Vu La casa de la
fuerza hier soir à l’Odéon. Grands moments de théâtre. La salle debout à la
fin après plus de cinq heures de spectacle. Relu La mort de la tragédie de George Steiner cet après-midi dans le
train. Deux extraits que je relie à La
casa de la fuerza :
- sur la forme : Les auteurs élisabéthains violèrent tous les
préceptes du classicisme. Ils rompirent avec les unités, se passèrent du chœur
et mélangèrent intrigues tragiques et comiques indistinctement, avec une totale
liberté. La salle de spectacle de Shakespeare et de ses contemporains était el
gran teatro del mundo. Aucun genre de
sentiment, aucun élément tiré du creuset de la vie n’était étranger à son
dessein. …/… Le spectateur élisabéthain avait les nerfs solides et exigeait
qu’on jouât sur ses nerfs ; le monde qui l’environnait avait le sang chaud
et il réclamait cette même chaleur du sang sur la scène.
- sur le fond : La tragédie
nous répète que le domaine de la raison, de l’ordre et de la justice est
terriblement limité, et que nul progrès de notre science ou de nos moyens
techniques ne l’élargira. En dehors de l’homme et en lui, il y a l’autre, l’autre monde. Appelez-le comme vous
voudrez : un dieu caché ou méchant, la destinée aveugle, les
sollicitations de l’enfer, la fureur bestiale de notre sang – il nous guette à
la croisée des chemins. Il se moque de nous et nous détruit. En certains cas,
rarement, il nous mène après la destruction à quelque repos incompréhensible.