28 mars 2012


Vu La casa de la fuerza hier soir à l’Odéon. Grands moments de théâtre. La salle debout à la fin après plus de cinq heures de spectacle. Relu La mort de la tragédie de George Steiner cet après-midi dans le train. Deux extraits que je relie à La casa de la fuerza :
- sur la forme : Les auteurs élisabéthains violèrent tous les préceptes du classicisme. Ils rompirent avec les unités, se passèrent du chœur et mélangèrent intrigues tragiques et comiques indistinctement, avec une totale liberté. La salle de spectacle de Shakespeare et de ses contemporains était el gran teatro del mundo. Aucun genre de sentiment, aucun élément tiré du creuset de la vie n’était étranger à son dessein. …/… Le spectateur élisabéthain avait les nerfs solides et exigeait qu’on jouât sur ses nerfs ; le monde qui l’environnait avait le sang chaud et il réclamait cette même chaleur du sang sur la scène.
- sur le fond : La tragédie nous répète que le domaine de la raison, de l’ordre et de la justice est terriblement limité, et que nul progrès de notre science ou de nos moyens techniques ne l’élargira. En dehors de l’homme et en lui, il y a l’autre, l’autre monde. Appelez-le comme vous voudrez : un dieu caché ou méchant, la destinée aveugle, les sollicitations de l’enfer, la fureur bestiale de notre sang – il nous guette à la croisée des chemins. Il se moque de nous et nous détruit. En certains cas, rarement, il nous mène après la destruction à quelque repos incompréhensible.