28 février 2012


Nous sommes des enfants du monde vivant et animal, et toutes nos mythologies ont senti la parenté et le cousinage avec les autres êtres vivants. Les humains ont souvent vénéré des dieux animaux, les enfants trouvent tout à fait naturel que les animaux des fables, des contes et des dessins animés parlent et soient doués de sentiments humains. Mais notre identité animale a été longtemps masquée par la civilisation occidentale, dont les progrès ont été payés par une terrible régression de conscience, allant jusqu’à considérer les animaux comme des machines et, pis, comme des objets manipulables à merci...
Le double enracinement de l’humain selon Edgar Morin : un enracinement biologique d’abord, nous partageons ainsi un même répertoire émotionnel (colère, joie, attachement, peur...) avec tous les mammifères ; un enracinement culturel aussi, qui nous transmet dès l’enfance - à travers le langage, des savoir-faire, des habitudes, l’éducation - notre « seconde nature ».
Pour Roland Barthes, le jouet français signifie toujours quelque chose. Ce quelque chose est constitué par les mythes ou les techniques de la vie moderne adulte devant lequel l’enfant ne peut se constituer qu’en propriétaire et en usager, jamais en créateur. Il n’invente pas le monde, il l’utilise : on lui prépare des gestes sans aventure, sans étonnement et sans joie, on fait de lui un petit propriétaire pantouflard qui n'a même pas à inventer les ressorts de la causalité adulte. Le jouet français veut faire des enfants usagers, non des enfants créateurs.
Bettelheim suggère que les contes aident l’enfant à découvrir le sens profond de la vie tout en le divertissant et en éveillant sa curiosité. Les frères Grimm comparèrent les contes à un cristal brisé dont on peut encore ramasser les fragments dispersés dans l’herbe. Le mythe, à sa surface, n’est qu’une comptine dépourvue de sens ; en profondeur, c’est une histoire sérieuse et grave qui apporte des révélations tout à fait imprévues sur la vie des hommes, et qu’il faut savoir écouter et déchiffrer.
Jusqu’au XVIIe siècle, les contes étaient tout autant destinés à la population adulte qu’aux plus jeunes. Progressivement, le développement du courant rationnel fit que l’on ne vit plus dans les contes populaires qu’absurdes histoires de vieilles femmes, tout juste bonnes à amuser les enfants. Dans le même temps, les spectres baroques s’éclipsaient de la scène théâtrale, chassés par les règles de bienséance et vraisemblance. Le refus de l’irrationnel et l’esthétique réaliste triomphaient.