Nous sommes des enfants du monde vivant et animal, et toutes nos
mythologies ont senti la parenté et le cousinage avec les autres êtres vivants. Les
humains ont souvent vénéré des dieux animaux, les enfants trouvent tout à fait
naturel que les animaux des fables, des contes et des dessins animés parlent et
soient doués de sentiments humains. Mais notre identité animale a été longtemps
masquée par la civilisation occidentale, dont les progrès ont été payés par une
terrible régression de conscience, allant jusqu’à considérer les animaux comme
des machines et, pis, comme des objets manipulables à merci...
Le double enracinement de l’humain selon Edgar Morin : un enracinement
biologique d’abord, nous partageons ainsi un même répertoire émotionnel
(colère, joie, attachement, peur...) avec tous les mammifères ; un
enracinement culturel aussi, qui nous transmet dès l’enfance - à travers le
langage, des savoir-faire, des habitudes, l’éducation - notre « seconde
nature ».
Pour Roland Barthes, le jouet français signifie
toujours quelque chose. Ce quelque chose est constitué par les mythes ou les
techniques de la vie moderne adulte devant lequel l’enfant ne peut se
constituer qu’en propriétaire et en usager, jamais en créateur. Il n’invente
pas le monde, il l’utilise : on lui prépare des gestes sans aventure, sans
étonnement et sans joie, on fait de lui un petit propriétaire pantouflard qui
n'a même pas à inventer les ressorts de la causalité adulte. Le jouet français veut faire des enfants
usagers, non des enfants créateurs.
Bettelheim suggère que les contes aident l’enfant à découvrir le sens
profond de la vie tout en le divertissant et en éveillant sa curiosité. Les
frères Grimm comparèrent les contes à un cristal brisé dont on peut encore
ramasser les fragments dispersés dans l’herbe. Le mythe, à
sa surface, n’est qu’une comptine dépourvue de sens ; en profondeur, c’est
une histoire sérieuse et grave qui apporte des révélations tout à fait
imprévues sur la vie des hommes, et qu’il faut savoir écouter et déchiffrer.
Jusqu’au XVIIe siècle, les contes étaient tout autant
destinés à la population adulte qu’aux plus jeunes. Progressivement, le développement du courant rationnel
fit que l’on ne vit plus dans les contes populaires qu’absurdes histoires de
vieilles femmes, tout juste bonnes à amuser les enfants. Dans le même temps, les spectres baroques s’éclipsaient
de la scène théâtrale, chassés par les règles de bienséance et vraisemblance. Le refus de l’irrationnel et l’esthétique réaliste triomphaient.